Les prémices
Depuis aussi longtemps que je me souvienne, j’ai toujours détesté la course à pied. Mettre un pas devant l’autre en espérant aller le plus vite possible, je ne voyais pas ce qu’il y avait de “fun” là-dedans. Et pourtant, j’ai pratiqué ce sport durant de nombreuses années, avec plusieurs courses à mon actif. D’abord abonné aux 10 km, j’ai par la suite testé le semi-marathon à deux reprises. Et puis cette idée folle m’est venue : et si je courais un marathon ?
Cette idée m’est venue dès 2019, où je racontais déjà dans ce blog que cela faisait partie de mon objectif de l’année. Mais comme je le racontais alors, ma condition physique à ce moment-là était médiocre, et la régularité de mes sorties se faisait en dents de scie. Et malgré une reprise quelque peu difficile, je ne parviendrai pas à bout de cet objectif cette année-là.
Les années passèrent, et l’on pouvait compter sur les doigts d’une main le nombre de sorties running que je réalisais chaque année. Et plus j’avançais, plus j’oubliais cet objectif que je m’étais fixé. Si l’on m’avait posé la question, j’aurais répondu que c’était un défi absurde, et que je ne le réaliserai probablement jamais. Mais c’était sans compter sur le destin, et sa tendance à revenir au moment où l’on s’y attend le moins.
L’éveil
Au mois de juillet 2024, j’ai eu la chance de pouvoir partir plusieurs semaines en vacances sur l’île de Bali, en Indonésie. C’était un voyage que je n’oublierai jamais, car non seulement j’ai été dépaysé comme aucun voyage auparavant, mais aussi car c’est pendant cette excursion que je me suis remis à penser au marathon. Encore aujourd’hui je ne sais pas ce qui m’est passé par la tête à ce moment-là, mais je me suis mis à chercher un programme d’entraînement. En parallèle, j’ai cherché s’il n’y avait pas une épreuve dans les mois à venir. Et quelle ne fut pas ma surprise quand je vis que Toulouse organisait un marathon en novembre de cette année : Le Marathon des Géants, soit juste assez de temps pour me permettre de m’entraîner convenablement.
Sans être superstitieux, je me suis dit que tout cela ne pouvait être un hasard. Et c’est ainsi qu’à mon retour, je sortais mes chaussures de sport qui n’avaient pas servi depuis longtemps, et partais pour ma première course.
Un chemin rempli d’embûches et de leçons
Durant mes multiples semaines d’entraînement, j’ai fait face à mes propres faiblesses, et j’ai pu apprendre beaucoup de choses. Je vous propose ici quelques conseils qui m’ont marqué pendant cette préparation marathon.
Prévoir un plan et s’y tenir
A goal without a plan is just a wish. [Tout objectif sans plan n’est qu’un souhait.] – Antoine de Saint-Exupéry
Contrairement à des courses plus courtes comme le 10 km, je savais que je ne pourrais pas me lancer dans un marathon sans un entraînement optimal. Mais par où commencer ? Comment savoir quelles sont les bonnes distances à tenir pour un entraînement ? Et quid de la fréquence de mes sorties ?
Afin de me simplifier la vie, je décidais de me baser sur des programmes déjà existants, afin d’être sûr d’être prêt pour le jour J.
Je me suis donc calqué sur le programme d’entraînement Novice 1 de Hal Higdon. Ce programme de 18 semaines se base sur 4 séances par semaine, dont une sortie longue le week-end. Les distances s’allongent de semaine en semaine, jusqu’à atteindre un pic de 64 km en une semaine, avant de redescendre.
N’ayant que 14 semaines avant le marathon de Toulouse j’ai dû supprimer quatre semaines du planning initial. Finalement, voici le plan que j’ai suivi du 5 août 2024 au 10 novembre 2024 (les lignes barrées sont les sorties que je n’ai pas réalisées) :
Semaine | Lun | Mar | Mer | Jeu | Ven | Sam | Dim |
---|---|---|---|---|---|---|---|
1 | Repos | 4.8 km | 6.4 km | Repos | 8.1 km | Repos | |
2 | Repos | 4.8 km | 6.4 km | 4.8 km | Repos | 14.5 km | Repos |
3 | Repos | 4.8 km | 8.1 km | Repos | 11.3 km | Repos | |
4 | Repos | 4.8 km | 9.7 km | 4.8 km | Repos | 19.3 km | Repos |
5 | Repos | 4.8 km | 9.7 km | 4.8 km | Repos | Repos | Semi-marathon |
6 | Repos | 4.8 km | 11.3 km | 6.4 km | Repos | 16.1 km | Repos |
7 | Repos | 4.8 km | 11.3 km | 6.4 km | Repos | 24.1 km | Repos |
8 | Repos | 6.4 km | 12.9 km | 8.1 km | Repos | 19.3 km | Repos |
9 | Repos | 6.4 km | 14.5 km | Repos | 29.0 km | Repos | |
10 | Repos | 8.1 km | 14.5 km | 8.1 km | Repos | 22.5 km | Repos |
11 | Repos | 8.1 km | 16.1 km | 8.1 km | Repos | 32.2 km | Repos |
12 | Repos | 8.1 km | 12.9 km | 6.4 km | Repos | 19.3 km | Repos |
13 | Repos | 6.4 km | 9.7 km | 4.8 km | Repos | 12.9 km | Repos |
14 | Repos | 4.8 km | Repos | Repos | Marathon |
Avoir un plan, c’est bien, s’y tenir, c’est mieux.
Dans son guide, Hal Higdon précise qu’il est possible de rater quelques sorties en semaine, mais conseille de ne surtout pas manquer les sorties longues du week-end, car ce sont elles qui permettent de gagner en endurance.
Ainsi, malgré cinq séances que j’ai délibérément décidé de mettre de côté, je me suis tenu à réaliser ce programme dans sa totalité, et ce malgré des jours de pluie, ou de vacances.
Faire confiance en ses propres capacités
It gets easier. Every day it gets a little easier. But you got to do it every day. That’s the hard part. But it does get easier. [Cela devient plus facile. Chaque jour, cela devient un peu plus facile. Mais il faut le faire tous les jours. C’est la partie la plus difficile. Mais cela devient plus facile.] – BoJack Horseman S2
La reprise a été plus que dure. Ayant eu l’habitude d’arrêter et de reprendre la course à pied, je pensais naïvement que cette fois encore, cela serait simple. Mais lors de ma première séance, avec moins de cinq kilomètres à parcourir, je n’ai pas pû aller au bout d’une seule traite, et fût obligé de m’arrêter à mi-parcours, à bout de souffle, avant de repartir tant bien que mal. C’est là que j’ai réalisé que ce ne serait pas une partie de plaisir.
Malgré cela, j’ai tenu bon, et commencé à me sentir plus à l’aise sur ces courtes distances. Mais à peine remis de ces premières émotions, un autre mur allait faire son apparition : les sorties longues. En effet, chaque week-end, ce n’était pas une petite promenade, mais bien des dizaines de kilomètres qu’il fallait parcourir. Et je ne me sentais pas prêt. Rien que la deuxième sortie longue (et ses 14 kilomètres) m’impressionnait déjà. Je n’avais jamais couru une telle distance pour un entraînement, et j’avais peur de ne pas être à la hauteur. Toutefois, à ma grande surprise, j’ai réussi à tenir cette distance d’une traite. Les semaines passèrent, et ce schéma se répétait : une appréhension de la distance, mais finalement, une réussite.
C’est ainsi que je finis par comprendre que je n’avais plus besoin d’avoir peur, et que je pouvais faire confiance en mon corps pour y arriver. Car oui, la route est longue et difficile, mais chaque jour est un peu plus simple que le jour précédent.
Ne pas négliger l’équipement
N’étant pas complètement persuadé de tenir cet entraînement, j’ai commencé par réutiliser mes affaires de l’époque. Cela faisait l’affaire au début, mais j’ai très vite compris que si je voulais être sérieux avec mon programme, je devais aussi l’être avec mon matériel.
Le plus critique était les chaussures. En effet, c’est plus de 500 kilomètres que je devais parcourir tout au long de mon entraînement, et je ne pouvais tout simplement pas me contenter de mes anciennes chaussures qui méritaient bien de rendre l’âme. J’optais alors pour la paire dans laquelle je me sentais le mieux, des New Balance Fresh Foam X 1080.
Outre les chaussures et les habits, il fallait également penser à la nutrition. En effet, sur des distances aussi longues, il est crucial de bien alimenter son corps tout au long de la course afin de ne pas se vider de toute son énergie, et d’être incapable de terminer sa course. J’ai ainsi découvert les gels, les électrolytes, et autres compotes. Après plusieurs essais, j’en suis venu à choisir les gels Maurten 100 et les compotes Baouw pour me ravitailler pendant la course, et les électrolytes Tā Energy pour la fin de course.
Maurten Gel 100 | Compotes Baouw Pêche & Thé Blanc | Tā Energy Wild Berry |
---|---|---|
Après quelques hésitations sur l’achat d’une montre sportive dernier cri et d’écouteurs à conduction osseuse, j’ai finalement décidé d’utiliser une montre sportive déjà en ma possession (merci papa), et d’une paire d’écouteurs sans fil déjà en ma disposition, qui auront très bien fait l’affaire tout le long de mon entraînement (même si j’ai pu constater la faible autonomie de mes écouteurs sur de longues distances).
Ne pas confondre endurance et vitesse
Rien ne sert de courir ; il faut partir à point. – Le Lièvre et la Tortue (La Fontaine)
Plus haut, je parlais de l’importance de respecter son plan. Bien qu’au début, cela s’appliquait sur le fait de terminer la course quoiqu’il arrive, cela prit un tout autre sens plus tard dans l’entraînement.
En effet, au fil des semaines, je sentais mon corps devenir de plus en plus performant, ce qui me donna l’envie d’accélérer la cadence. Cela pouvait fonctionner sur mes courtes distances de la semaine, mais c’est lors d’une sortie longue que je déchantai. À vouloir partir trop vite, j’ai eu beaucoup de mal à tenir la distance, au point de finir essoufflé et les jambes en feu.
Et c’est bien là tout le problème, mon entraînement visait à me rendre plus endurant, pas plus rapide. Et pour un premier marathon, je devais faire attention à ne pas mélanger mes priorités. L’important n’était pas de terminer cette épreuve avec un temps impressionnant, mais bel et bien de la terminer.
Ainsi, pour les prochaines séances, j’ai levé le pied et ralentis la cadence afin de favoriser mon endurance plutôt que ma vitesse.
Des sacrifices et du soutien
If you want to go fast, go alone. If you want to go far, go together. [Si vous voulez aller vite, partez seul. Si vous voulez aller loin, partez ensemble.]
Lorsque j’ai commencé mon entraînement pour le marathon, j’avais conscience de ce que cela impliquerait en termes de cadence sportive. Ce que j’ignorais, c’est que cela aurait également un impact sur ma vie personnelle.
En effet, quatre séances par semaine, cela n’est pas négligeable, surtout s’il faut combiner ça avec le travail. Ainsi, sur trois jours dans la semaine, à peine étais-je rentré du travail que je devais directement me changer pour aller courir. À mon retour, le planning était généralement simple : manger et dormir. Idem pour ma longue sortie du samedi, je partais dans la matinée et revenais lessivé, souvent trop fatigué pour envisager tout autre activité dans la journée.
Tout ceci m’a fait drastiquement réduire mes sorties nocturnes et ma consommation d’alcool. Et bien que cela puisse être positif niveau santé, socialement parlant, ma vie en prenait un coup. Une sortie prévue le vendredi soir ? Impossible si je ne voulais pas rater ma longue course du samedi. Tout cela avait un impact sur mon moral, et bien que je gardais mon objectif en tête, j’eus parfois peur de me dire que j’allais peut-être trop loin pour une course.
C’était sans compter sur le soutien indéfectible de ma compagne qui m’a toujours réconforté dans mes moments de doute, et qui n’a jamais cessé de m’encourager et de rendre mon quotidien plus facile, afin que je me focalise sur mon entraînement. J’ai également pû compter sur mes parents et mon frère, et leurs nombreux messages de soutien, me donnant chaque jour un peu plus envie de les rendre fiers de ce parcours.
Pour résumer, malgré tous ces sacrifices, je suis heureux d’avoir été si bien entouré pendant cette préparation, et je suis sûr que cela aura un impact sur ma course finale.
Le jour J
Quelques minutes avant le départ
Nous sommes le dimanche 10 novembre 2024, le jour du marathon.
Une dernière fois, je pense au parcours de la course : une traversée gigantesque de Toulouse.
Il est 7h. Je me rends dans le dernier SAS, le jaune, pour les coureurs avec un objectif de 4h30 ou plus. Mon seul objectif à ce moment-là est de pouvoir terminer ce marathon.
Mais je repense à cette douleur dans ma jambe droite. Celle qui est apparue une semaine avant. Celle qui m’a fait rater mes deux dernières sorties d’entraînement. La douleur s’est amoindrie, mais elle est toujours là. Et je redoute que cela puisse me faire abandonner la course.
Il faudra de toute façon faire avec. Je sens mon cœur commençait à s’accélérer. Je prends plusieurs grandes inspirations pour essayer de me calmer, en vain. L’excitation est trop forte, et je le sais.
J’entends au loin un bruit qui annonce le départ de la course. Il est 7h30. Le marathon commence.
Le Marathon des Géants
S’il y a bien une chose que j’ai apprise avec mon historique de courses, c’est qu’il faut toujours partir tranquillement. Car avec la pression et l’émulation des autres coureurs, il est facile de vouloir tout envoyer dès le début. Une erreur que tout bon coureur fait au moins une fois dans sa vie.
Je m’élance donc tranquillement sur le départ du parcours. Outre la petite douleur à ma jambe droite, tout va bien. Je garde un rythme de croisière qui me va bien. Étrangement, j’ai l’impression que les kilomètres s’enchaînent plus vite que d’habitude. Tant mieux.
Les kilomètres passent, et petit à petit, je commence à ressentir une petite gêne au niveau du dos. Puis au niveau du pied. Je fais tout pour ignorer cela, et rester concentré sur ma course.
J’arrive enfin à mi-parcours. 21 kilomètres. Et encore une fois, je me sens nettement plus à l’aise que lors de mes sessions d’entraînement. Un coup d’œil sur ma montre et je constate que je suis toujours dans une moyenne de 6:30/km. Parfait. Le cœur lui, commence à s’accélérer légèrement, mais rien de grave.
Niveau nutrition, là aussi, rien à signaler. J’ai fait le pari de ne pas prendre de sac à dos, et de me contenter de quatre gels dans la poche arrière de mon short. Pour ce qui est de l’eau, je me contenterai des ravitaillements présents tous les cinq kilomètres.
Au bout du 32e kilomètre (ma plus grosse séance d’entraînement), là aussi, je me sentais bien. On parle souvent du “mur” du marathon, ce moment où il n’est plus possible d’avancer, où vos forces vous quittent. Ce moment décisif, où seul le mental peut vous sauver de votre misère. Je pensais qu’il arriverait justement à ce moment-là, mais pas du tout. J’étais encore en forme, et je me disais que je pourrais peut-être ne pas rencontrer ce fameux “mur”.
C’est au 37e kilomètre que je compris ma naïveté. Car bien qu’il ne restait plus que cinq petits kilomètres, c’est à ce moment précis qu’il fit son apparition. Le mur. Sans prévenir, je me mis d’un seul coup à perdre mes forces, à avoir du mal à reprendre ma respiration, et à ne plus sentir mes jambes. Et alors que j’arrivais au 40e kilomètre, j’ai dû faire une pause.
Je marchais donc péniblement pour essayer de récupérer un brin de force pour pouvoir me relancer. Je savais que ce n’était pas chose aisée, car une fois à l’arrêt, le corps a du mal à redémarrer. Mais il fallait que je le fasse. Seuls deux kilomètres me séparaient de la victoire, de la joie, de l’accomplissement.
Je pris une dernière grande inspiration, fis fi de l’état de mes muscles, et m’élançai une dernière fois.
Nenikekamen
Tel un automate, je mettais un pied devant l’autre, sans vraiment savoir si je le faisais consciemment ou pas. Tout cela n’avait pas d’importance. Ce qui comptait, c’était d’avancer. “Bats-toi !”, me soufflait ma voix intérieure.
Petit à petit, j’entendais la foule au loin. Tous ces cris d’encouragement m’aidaient à lutter encore et encore. J’arrivais alors au dernier kilomètre.
“Bats-toi !”
Qu’est-ce qu’un pauvre kilomètre à parcourir ? Rien du tout. Mais une montagne lorsqu’il s’agit de son dernier kilomètre de marathon. Je n’en pouvais plus. Mes jambes me faisaient comprendre qu’à la seconde où je me relâchais, elle cesserait de me porter. Alors je ne pouvais pas, je ne devais pas m’arrêter.
“BATS-TOI !”
Le long de la rue Alsace-Lorraine, dans la dernière ligne droite, je pouvais apercevoir la ligne d’arrivée. Se pourrait-il que j’y arrive ? Après toutes ces semaines à m’entraîner sans relâche ?
Alors que je réalisais que je n’avais jamais été aussi proche de la fin, j’entendis des voix familières sur le côté. Ma compagne, mes parents et mon frère étaient là. Je lisais dans leurs yeux leur fierté de me voir être arrivé jusqu’ici. D’avoir tenu. De ne pas avoir abandonné. De m’être battu.
BATS-TOI !
Les larmes me vinrent aux yeux.
Je réalisais à peine ce que je venais d’accomplir. Mes jambes aussi d’ailleurs, et j’eus du mal à me mouvoir jusqu’à la sortie, où j’ai pu recevoir ma médaille, témoignage de ma réussite.
Enfin, je rejoignis ma famille, heureux de pouvoir être avec eux pour célébrer cette fin de course. Ils m’apprirent mon temps final : 4:33:08.
Plus de détails sont disponibles sur mon activité Strava.
Bilan de mon premier marathon
Après 14 semaines de préparation, 50 séances, 53 heures de course, près de 550 kilomètres, et une perte de 5 kilogrammes (dont un IMG passant de 20% à 12%), j’ai enfin accompli cet objectif de 2019.
Mais le plus important pour moi aura été de voir que j’étais capable de discipline et de persévérance. Après cette épreuve, je sais que je pourrais aller au bout de n’importe quel rêve, pour peu que je m’en donne les moyens.
Et aujourd’hui, c’est avec une grande fierté que je peux le dire : je suis un marathonien.