Dimanche dernier sortait aux États-Unis le tant attendu troisième épisode de l’ultime saison d’une des séries les plus populaires des dernières décennies. Cet épisode était d’autant plus attendu qu’il traitait de la bataille de Winterfell, la bataille des vivants contre les morts, thème évoqué depuis le début de la série. Et sur le papier, tout annonçait une réussite grandiose : l’épisode le plus long de toute la série avec 82 minutes, 750 personnes sur le tournage, 55 jours pour tourner l’intégralité de l’épisode, une séquence de bataille la plus longue de l’histoire de la télé et du cinéma et pour couronner le tout, Miguel Sapochnik était à la réalisation (on lui doit notamment l’épisode de la bataille des bâtards, épisode le mieux noté de tous les temps sur le site IMDB).
Avec une telle présentation, comment ne pas être impatient de finalement pouvoir regarder cet épisode ? Tel était en tout cas mon cas lorsque lundi dernier, je pressais le bouton “play” de ma télécommande pour lancer la vidéo.
Quelques jours se sont écoulés entre temps me permettant de digérer tout ce que j’ai vu. Et aujourd’hui, j’aimerai vous présenter mon opinion sur cet épisode.
Bien entendu, cet article contiendra énormément de spoilers, et, si vous n’avez pas encore regardé le troisième épisode, je vous recommande de le visionner avant de poursuivre la lecture de l’article. Vous voilà prévenus !
Le Roi de la Nuit sur le Trône de Fer – par Houston Sharp
Contexte
Avant de se lancer dans les qualités et les défauts de l’épisode, revenons un peu sur le contexte de l’épisode.
Le Roi de la Nuit et son armée, ayant franchi le mur les séparant de la civilisation, sont désormais aux portes de Winterfell avec pour unique but de détruire l’humanité telle qu’on la connaît.
À la tête de l’armée des vivants, Jon Snow, véritable héros de guerre ayant déjà combattu et survécu à la terrible armée du Roi de la Nuit. À ses côtés Daenerys Targaryen, l’héritière légitime au trône (du moins, ce qu’elle croyait) qui à su se faire respecter au fil des saisons comme une véritable reine et qui dirige aujourd’hui une armée de Dothrakis et d’Immaculés.
On retrouvera aussi bon nombre de personnages principaux comme les frères Lannister, les sœurs Stark, Brienne de Thorn, Jorah Mormont, Theon Greyjoy, Samwell Tarly et bien d’autres…
La bataille s’annonce donc épique et nous redoutons la mort de nos personnages préférés, tout en se demandant qui viendra à bout du terrible Roi de la Nuit.
Maintenant que vous en savez un peu plus, je vais vous l’annoncer tout de suite : cet épisode m’a déçu. Après toutes ces années passées à attendre cet affrontement final, celui-ci est loin d’être satisfaisant. Et je vous explique tout ça en détail tout de suite !
Une stratégie de combat absente
Au tout début de la bataille, l’armée des Dothrakis se précipite dans la pénombre pour attaquer de front l’ennemi. Mais pour quoi faire ? Quel est l’intérêt stratégique d’envoyer à la mort des milliers de soldats ? Ils savaient pertinemment que l’ennemi était bien plus nombreux et une charge de front n’était pas à leur avantage.
Que voit-on par la suite ? Une tranchée positionnée juste devant le château de Winterfell afin de le protéger. Pourquoi pas. Des trébuchets sont également présents, mais situés après les tranchées et donc exposés à l’ennemi. Il aurait fallu les mettre en arrière pour les protéger, car ces pièces d’artillerie sont inutiles de front.
Revenons sur les tranchées, car deux points me semblent illogiques. Le premier est lorsque l’armée des morts commence à se rapprocher dangereusement de l’entrée du château. Le camp des vivants souhaite alors mettre le feu à la tranchée pour effrayer et repousser l’armée des morts. Mais personne n’a prévu une torche près de la tranchée pour l’allumer. De la même façon, la tranchée est seulement constituée d’un bois sec qui mettrait beaucoup trop de temps à prendre feu ou du moins qui propagerait le feu sur toute la tranchée relativement lentement. Au final, c’est Melisandre qui parvient à flamber la tranchée à l’aide du Maître de la Lumière. Heureusement qu’elle apparaît au début de l’épisode en sortant de nulle part pour les aider, autrement ils auraient tous péri.
Concernant le deuxième point sur les tranchées, celles-ci ne séparent les morts des vivants que d’un seul mètre. C’est d’ailleurs ce défaut qui permettra aux morts de traverser la tranchée en feu. Pourtant, des milliers d’hommes étaient disponibles plusieurs jours avant la bataille. Comment cela se fait-il qu’ils n’aient pas pu davantage creuser cette tranchée ?
Cela fait déjà plusieurs points qui m’ont dérangé, mais ce n’est malheureusement que le début…
Des personnages immunisés
Une chose que l’on sait lorsqu’on regarde Game of Thrones, c’est que tout le monde peut mourir et que les actions peuvent avoir de graves conséquences. Et c’est justement ce qui fait l’attrait de la série. Un héros n’est jamais vraiment un héros. Prenons Ned Stark dans la première saison. Il nous apparaît comme le héros de Winterfell et que lui arrive-t-il ? Il fait confiance à des gens qui lui voulaient du tort et se fait exécuter. La même chose arrive pour son fils Robb qui se pensait déjà roi et intouchable et qui périra sans s’y attendre.
On s’attend donc à ce que cette bataille fasse des ravages et on appréhende énormément le sort que sera réservé à nos personnages préférés.
Eh bien devinez quoi ? Ils s’en sont presque tous tirés ! Je vous vois arriver avec vos remarques : “tu ne vas quand même pas me dire que tu es déçu parce que des personnages importants ne sont pas morts ?” Ce n’est pas tout à fait ça. Évidemment, je suis ravi de pouvoir passer encore quelques épisodes aux côtés des héros de la série, mais une chose que je ne pardonne pas est de prendre le spectateur pour un imbécile. Laissez-moi m’expliquer.
Lorsque l’armée des morts se jette sur les Immaculés, on ressent leur puissance et leur nombre. Rien ne leur résiste et tous ceux qui essaient de s’y opposer finissent par s’écrouler. Une chose est donc claire : un homme seul ne peut résister face à plusieurs soldats de la nuit, et cela est clairement montré tout au long de la série. Et c’est là où il y a un problème. Nombre des personnages principaux se trouvent en première ligne (tels que Jamie ou encore Brienne) et auraient donc logiquement du crouler sous les attaques ennemies s’en pouvoir rien y faire, bien qu’ils soient d’excellents combattants. Mais malheureusement, les scénaristes ont préféré les faire survivre via d’habiles pirouettes de montage où l’on voit ces personnages en position de faiblesse pour couper sur une autre scène. Lorsque la caméra reprend sur eux, les attaquants sont beaucoup moins nombreux et ne représentent plus une réelle menace, sans que l’on comprenne ce qui a pu se passer entre-temps.
Même George R. R. Martin, le créateur de la série littéraire sur laquelle se base la série, dénonce ce genre de pratiques lors d’une interview.
La logique établie depuis le début de la série n’est pas respectée, et le spectateur est berné par des coupures au montage lui empêchant de voir la seule issue logique possible : ces personnages auraient dû mourir.
Une fin trop rapide
La bataille de Winterfell se conclut par un événement majeur : la mort du Roi de la Nuit poignardé par Arya Stark, entraînant ainsi toute son armée au repos éternel et permettant aux vivants de triompher. Nombreux sont ceux qui trouvent qu’Arya n’était pas le meilleur choix pour mettre un terme au règne du Roi de la Nuit et qu’un choix comme Jon Snow aurait été plus logique. En effet, l’objectif d’Arya est de tuer Cersei pour venger sa famille alors que Jon passe plusieurs saisons à affronter les marcheurs blancs et à redouter cette menace pour finalement convaincre tout Westeros de se rallier à sa cause. C’est donc lui qui aurait le plus de raison de se confronter au Roi de la Nuit et qui aurait donc dû être celui qui aurait porté le coup fatal.
Toutefois, je ne suis pas complètement d’accord avec cette critique. Certes, l’arc narratif de Jon Snow voudrait que ce soit lui qui mette un terme à cette menace, mais si Game of Thrones nous a appris quelque chose, c’est que personne n’a son destin écrit à l’avance.
Ce qui en revanche me perturbe est la rapidité avec laquelle tout s’est terminé. Dès la première scène du premier épisode de la série, nous sommes confrontés à cette menace qui est un thème majeur de la série et qui monte en intensité au fil des saisons. Les marcheurs blancs et le Roi de la Nuit sont décris comme la menace ultime pour le monde des vivants et cela d’entrée de jeu. On s’attend donc à ce qu’ils occupent une part importante de l’histoire, et notamment dans la confrontation finale.
Et c’est là que j’ai été déçu. La bataille a beau être longue, elle n’aura au final duré que quelques heures, et il est difficile de se dire que cette menace était si importante que ça. De plus, le Roi de la Nuit meurt soudainement, sans avoir vraiment eu le temps de livrer bataille ni d’expliquer ses réelles motivations. On a presque l’impression que son histoire a été bâclée pour laisser place à la prochaine bataille contre Cersei.
Quelle suite pour la série ?
Et c’est justement mon prochain point. Maintenant que l’armée la plus destructrice et la plus conséquente du continent a été éradiquée, que représente les troupes de Cersei si ce n’est que des hommes normaux ? Avec encore deux dragons à leurs actifs, les gagnants de la bataille de Winterfell n’auront aucun mal à balayer Cersei et à gagner haut la main la guerre qui s’annonce, et on a donc du mal à éprouver de la peur et de l’angoisse quant à cette ultime confrontation. Dans tous les cas, les scénaristes auront préféré conclure la série par une guerre contre Cersei plutôt que contre l’armée des morts, choix audacieux qui je l’espère se montrera à la hauteur des attentes des téléspectateurs.
Tout n’est pas à jeter
Bien que cet épisode présente de nombreux défauts scénaristiques, cela n’en fait pas un épisode médiocre. Il y a d’ailleurs certains points qui ont sauvé l’épisode de la catastrophe.
Des scènes stressantes
Je n’ai jamais autant été sur le bord de mon canapé que pendant les quinze premières minutes de l’épisode. Tous les personnages se mettent en place dans un silence glacial, sans aucun moyen de voir la menace au loin. Vient ensuite la première charge des Dothrakis, armés de leur faucille en feu sur une musique des plus épiques. On voit d’abord ces lumières avançaient dans la pénombre pour disparaître une à une, jusqu’à ce qu’il n’en reste plus aucune. On comprend à ce moment-là toute la puissance des troupes ennemies, et on redoute leur attaque imminente. Rien que pour cette introduction, l’épisode mérite sans aucun doute des applaudissements tant la frayeur des personnages nous est bien véhiculée.
Des plans magnifiques
Si l’on oublie les scènes trop sombres, l’épisode apporte son lot de plans spectaculaires. Je n’en retiens ici que deux m’ayant vraiment marqué : l’attaque d’un dragon sur l’armée des morts et la bataille des dragons au clair de lune.
Le souffle du dragon
Duel au clair de lune
Le contraste des couleurs dans la première image et l’intensité du bleu dans la deuxième est vraiment fascinant. On a là un véritable jeu de couleurs entre les couleurs chaudes représentant les vivants, et les couleurs froides représentant la mort. Un magnifique travail du directeur de la photographie, pour le plus grand plaisir des téléspectateurs.
Une musique à donner des frissons
Ramin Djawadi nous a encore bluffés par son talent dans cet épisode. Compositeur de la bande originale de la série, il avait déjà conquis le public avec des titres comme “Light of the Seven”, joué lors du final de la sixième saison. C’est aussi à lui qu’on doit le cultissime générique de la série. Et on ne peut pas dire qu’il a déçu dans cet épisode, puisqu’il nous apporte une musique à couper le souffle présente dans les derniers moments du Roi de la Nuit. Intitulée “The Night King”, la musique majoritairement composée au piano donne des frissons autant qu’elle glace le sang.
Conclusion
“The Long Night”, le troisième épisode de cette ultime saison m’aura donc déçu. Malgré une réalisation prometteuse, de nombreux trous scénaristiques auront eu raison de ma satisfaction. La série se rattrapera peut-être avec les trois derniers épisodes qui concluront j’espère avec brio cette saga qui aura marqué le monde des séries.