Une lueur d’espoir

Posted by Antoine Delia on Sunday, December 24, 2017

Pour la première fois depuis ses débuts, le père Noël se retrouvait avec une liste des “enfants sages” sans aucun nom. Comment allait-il distribuer tous les cadeaux que les lutins avaient confectionnés avec tant d’amour si personne ne les méritait ? Il devait sans doute y avoir une erreur et, afin d’en avoir le cœur net, il avait décidé de prendre son traîneau magique et d’aller voir ce qu’il en retournait directement dans les maisons des enfants qui étaient d’habitude les plus sages de tous. Il entra dans son garage privé et demanda aux rennes de se mettre en place afin de décoller. Comme à son habitude, il les compta rapidement afin d’être sûr que personne ne manquait à l’appel. Lors de ses premières tournées, il avait recruté huit rennes qu’il jugeait être les plus compétents de tous.

Il y avait d’abord Tornade, le rapide du groupe. Ils s’étaient rencontrés un après-midi à l’hippodrome du pôle Nord où le père Noël avait misé sucre d’orge sur lui. Et il avait été tellement heureux de le voir courir aussi vite qu’il l’invita chez lui manger une raclette bien méritée.
La suivante était Danseuse, la plus gracieuse de toutes. Avant de travailler pour le père Noël, elle était danseuse étoile au Ballet de l’Opéra de Longyearbyen, petite ville de Norvège non loin du pôle Nord. Après de multiples représentations à succès, elle décida de se retirer du monde de la danse.
Le troisième était Furie, le plus puissant de tous. Il avait commencé une carrière dans la boxe anglaise avant de laisser tomber. Il travaillait ensuite dans un fast-food où il servit un Sprite sans glaçon au père Noël.
La quatrième se nommait Fringant, la plus belle de tous les rennes. Elle avait travaillé dans une agence de mode et avait tourné de nombreux spots publicitaires pour différents parfums.
Le cinquième était Comète, le plus généreux de tous. Il était bénévole dans différentes associations d’aide aux enfants. Il essayait toujours de donner le sourire aux enfants et lorsqu’il apprit que le père Noël cherchait des rennes pour piloter son traîneau, il sauta sur l’occasion.
La sixième renne était Cupidon, la plus tendre du groupe. Elle avait été nounou et adorait son métier. Tout comme Comète, un sourire sur le visage d’un enfant la rendait heureuse et c’est tout naturellement qu’elle se tourna vers l’offre du père Noël.
Le septième se faisait appeler Tonnerre et était le plus fort de tous. Avant d’entrer dans le groupe de rennes du père Noël, il était bûcheron et avait décroché à de nombreuses reprises le titre de l’employé du mois.
La dernière se nommait Éclair et elle était la plus brillante de toutes. Elle avait étudié dans les plus grandes universités du globe en finissant toujours première de sa promotion.

Ces huit rennes assuraient le transport de tous les cadeaux des enfants à travers le monde et cela depuis le tout premier Noël. Tout allait pour le mieux jusqu’à cette fameuse nuit de Noël 1938. Tout le monde était prêt à décoller, chaque renne était à sa place et le père Noël avait fini sa sieste pour entamer sa longue nuit de distribution de cadeaux. Mais au moment de partir, un nuage des plus épais se posa juste devant la Lune, cachant ainsi sa luminosité. Le ciel était noir et aucun renne n’arrivait à voir dans cette pénombre. Le père Noël, qui avait maintenant 15 minutes de retard, essaya d’accrocher toutes les lampes qu’il put trouver sur le traîneau dans l’espoir d’éclairer la route, mais en vain. Le ciel était trop obscur pour prendre la route et trouver les maisons où déposer les cadeaux. Ce serait une mission suicide que de décoller dans ces conditions. Le père Noël fut donc contraint, pour la première fois depuis qu’il avait commencé sa carrière, d’annuler Noël pour cette année. Des millions d’enfants allaient se réveiller tout excités par la venue du père Noël pour ensuite être déçus lorsqu’ils verraient qu’au pied du sapin aucun cadeau n’était présent.

Cette annulation entraîna une année des plus sombres pour la population mondiale. Petits comme grands exprimaient leur colère à travers le monde, si bien que quelques mois plus tard, une guerre éclata. Le père Noël se sentait responsable d’avoir causé une telle pagaille et il ne voulait absolument pas que cela se reproduise. Il partit donc à la recherche d’un renne étant capable d’éclairer la route qu’il pourrait mettre à l’avant du traîneau afin de ne plus rencontrer un problème pareil. Il utilisa ses contacts qu’il avait gardés du temps où il était agent de sécurité pour trouver un jeune renne qui, selon certains, possédait un nez rouge capable d’éclairer n’importe quel endroit sombre. Après quelques coups de fil, le père Noël s’arrangea pour avoir un entretien avec ce fameux renne. Il devait s’assurer qu’il était bel et bien capable de conduire une cargaison de cadeaux et cela dans le noir le plus total. À peine l’avait-il vu que le père Noël savait déjà que Rudolphe était le renne qui lui fallait. Son nez était encore plus lumineux qu’on lui avait décrit. Avec un tel atout, il était impossible de se perdre et le problème de Noël dernier ne se reproduirait plus. Il parla quelques instants avec lui pour s’assurer qu’il était motivé pour le job et l’engagea aussitôt. Après plusieurs entraînements, Rudolphe avait l’air d’être prêt pour sa toute première livraison de cadeaux. Ainsi, lors de la nuit de Noël 1939, les rennes se mirent en place avec le tout nouveau renne en tête de peloton, son nez rouge brillant d’autant plus fort en cette nuit orageuse. Le père Noël monta sur son traîneau et se prépara à décoller alors qu’une fois de plus, d’épais nuages noirs s’étendaient dans le ciel et obstruaient la Lune et son éclairage naturel. Mais cette fois-ci, il était confiant. La luminosité que dégageait le nez rouge de Rudolphe était amplement suffisante pour pouvoir se repérer dans cette pénombre. Ni une ni deux, il donna l’ordre à ses rennes de décoller pour commencer la distribution des cadeaux. Malgré quelques petits écarts, tout se passa comme prévu et, dès le retour à la base du père Noël, celui-ci félicita ses membres d’équipages pour avoir assuré avec brio cette soirée. Depuis ce jour, chaque soir de Noël, il est possible d’apercevoir une lumière rouge se baladant à toute vitesse dans le ciel, signe que la soirée se passait sans problème pour le père Noël et ses rennes.

Mais ce soir, il y avait un problème. En plus de n’avoir aucun enfant sage à qui distribuer des cadeaux, Rudolphe manquait à l’appel. Le père Noël ne voulait surtout pas risquer une autre catastrophe comme la nuit du Noël 1938 et partit à sa recherche. La disparition de Rudolphe et la liste vide ne pouvaient être une coïncidence. Quelqu’un essayait à tout prix de saboter Noël et il fallait à tout prix découvrir qui était derrière un tel complot.

Fidèles à leur patron, les autres rennes se mirent également à la recherche de Rudolphe. Le père Noël lui, décida d’enquêter du côté de la fabrique des jouets et demander aux lutins s’ils avaient vu quelque chose qui aurait pu l’aider. Mais en entrant dans l’atelier, il tomba nez à nez avec celui que tout le monde cherchait désespérément. Son nez éclairait son air surpris ainsi que l’énorme sac qu’il traînait derrière lui.

« Rudolphe ? Mais qu’est-ce que tu fais dans la fabrique de jouets ? demanda le père Noël. Et qu’est-ce que tu caches dans ce sac ?
— C’est pas tes oignons vieux schnock, dit Rudolphe d’un ton agressif. »

Le père Noël contempla alors la pièce et se rendit compte que la plupart des jouets avaient disparu. Les pièces du puzzle commençaient à s’imbriquer dans sa tête et il se tourna vers Rudolphe.

« C’est toi qui as trafiqué la liste des enfants sages, n’est-ce pas ? questionna le père Noël. Tu t’es arrangé pour qu’aucun cadeau ne soit distribué pour pouvoir les garder pour toi !
— Je vois que tu as compris, répliqua Rudolphe. Je le reconnais, c’est moi qui ai planifié tout ça.
— Mais pourquoi donc ?
— Toutes ces années, j’ai travaillé pour toi, éclairant chaque route avec mon nez pour que tu puisses faire ton travail. Pour la première fois de ma vie, je me sentais à ma place avec tes autres rennes. Mais au final, aucun d’eux ne m’apprécie. Dès que j’essaie de parler à l’un d’entre eux, ils se braquent et cherchent à m’éviter. J’en ai plus que marre de devoir endurer tout ça ! »

Le père Noël se mit alors à réfléchir. Maintenant que Rudolphe le mentionnait, il se rendit compte qu’il ne l’avait jamais vu en compagnie d’un des huit compagnons qu’il avait recrutés à son départ.

« Mon petit Rudolphe, tu as raison, dit-il quelque peu gêné. Je ne t’ai pas vraiment intégré au groupe et je m’en excuse. Mais pense à ce que tu es en train de faire. Tu vas priver des millions d’enfants d’un merveilleux Noël ! Je comprends ce que tu ressens, mais tu es en colère après moi, pas après eux. Ils n’ont rien à voir là-dedans. »

Rudolphe avait l’air troublé. La lumière rouge qui émanait de son nez se mit à faiblir et la pièce devint sombre, si bien qu’il ne remarqua pas que les rennes venaient d’entrer et se trouvaient maintenant à côté du père Noël. Comète s’approcha alors de Rudolphe.

« Je suis vraiment désolée, dit-elle d’un ton plein de remords. On n’a pas été très sympathique avec toi. Pour tout te dire, nous étions tous jaloux de toi. »

Rudolphe leva la tête et fit face à Comète. On pouvait lire la surprise dans son visage suite à la révélation qu’elle venait de lui faire. Tonnerre s’avança à son tour vers lui.

« Comète a raison, dit-il. Tu étais le nouveau du groupe et pourtant tu étais plus fort que nous tous réunis. Et dès ton premier jour, tu étais déjà à l’avant du traîneau tel un leader. Nous enviions tous l’enthousiasme que le père Noël t’accordait et cela nous a énormément contrariés. »

Le nez du renne, qui avait jusqu’alors perdu de son éclat, commençait maintenant à devenir de plus en plus lumineux, comme s’il venait de regagner espoir à la suite des mots de ses camarades. Tour à tour, les autres rennes s’avancèrent vers Rudolphe pour lui témoigner leur affection et lui promettant d’être plus gentils avec lui. Le père Noël qui assistait à tout cela ne put s’empêcher de verser une larme en voyant la solidarité et la compassion de ses rennes. Le nez de Rudolphe brillait désormais de mille feux dans la pièce. Il avait retrouvé le sourire et se tourna maintenant vers celui qui lui avait laissé sa chance.

« Père Noël, dit-il plein de détermination, je vais chercher la véritable liste des enfants sages. Nous avons une longue nuit devant nous alors ne traînons pas ! »

Ainsi, tous les rennes se mirent en place à l’avant du traîneau après l’avoir chargé de jouets. Le père Noël arriva à son tour et prit les commandes, bien décidé à remplir sa mission dans les temps. Rudolphe se plaça comme à son habitude à l’avant du peloton, son nez rouge plus brillant qu’il ne l’avait jamais été. Il se retourna pour voir les autres rennes. Ces derniers affichaient un sourire de confiance, comme pour témoigner que leurs querelles appartenaient désormais au passé.

Un lutin sonna la cloche signifiant que tout était bon et aussitôt, les rennes se mirent à galoper vers la sortie avant de s’envoler. Le père Noël et ses rennes étaient désormais dans le ciel, guidés par la lueur du nez de Rudolphe, prêts à accomplir leur mission et d’apporter la joie aux enfants du monde entier.

Ainsi, si vous êtes attentifs, vous pourrez peut-être observer un scintillement dans la nuit du 24 décembre, signe que le père Noël, Rudolphe et les autres rennes s’activent sans relâche pour vous faire passer un incroyable Noël.