You never know how strong you are until being strong is the only choice you have – Bob Marley
J’ai commencé l’athlétisme à l’âge de 10 ans. Enfin, je faisais principalement de la course : mettre un pied devant l’autre tout en étant plus rapide que les autres. Comme tout sport que l’on commence, je n’étais pas très performant. Quelques tours de terrain et j’étais déjà exténué. Et puis, à force de faire de m’entraîner encore et encore, mon corps s’est adapté jusqu’à effacer la fatigue et la douleur. Encore mieux, le temps qu’il me fallait pour faire un tour de terrain diminuait considérablement. Comme quoi à force de s’entraîner, on peut s’améliorer. Mais au bout d’un moment, je me sentais comme Charlie Chaplin dans “Les Temps modernes“, à répéter le même geste sans arrêt. Je ne pouvais pas continuer indéfiniment de courir autour du terrain d’athlétisme, j’avais besoin de changement. Je me suis donc inscrit à une première course de 5 kilomètres. Certes je continuais de courir, mais j’avais un but en tête : finir la course le plus vite possible tout en dépassant le maximum de personnes. Rapidement, je pris goût à cet esprit de compétition et continuai de m’inscrire dans plusieurs courses. J’ai grimpé jusqu’au 10 kilomètres avant d’arriver au semi-marathon : 21 kilomètres.
Aujourd’hui, je dois vous avouer que je cours beaucoup moins. Toutefois, je suis inscrit à une course de 10 kilomètres aujourd’hui, histoire de me dérouiller. Je la connais plutôt bien, car je l’ai déjà faite trois fois. Et justement, j’aimerai vous raconter l’une d’elles, qui représente un moment de ma vie dont je suis fier.
J’avais maintenant l’habitude de faire des 10 kilomètres et mon record était de 48:30, temps dont je n’étais pas peu fier d’autant qu’il était sous la barre des 50 minutes, objectif minimum que je me fixais à chaque course. Et celle-ci n’échappait pas à la règle. Dès la ligne de départ, j’avais repéré le ballon des 50. En effet, dans certaines courses, un coureur porte un ballon d’une certaine couleur pour indiquer un temps précis. Ainsi, si je reste à ses côtés tout le long de la course, je suis sûr de faire un temps de 50 minutes. J’avais également aperçu dans la foule le ballon représentant 45 minutes qui était pour moi un temps des plus compliqués à atteindre. Je restais donc en retrait avec mon cher ami 50.
3…2…1… Top départ ! Tous les coureurs commencent à accélérer et gagner de l’avance. Pour ma part, je ne vais pas trop vite d’entrée de jeu afin d’avoir des réserves pour la fin. Cette course a pour particularité d’être composée de deux tours de 5 kilomètres chacun. Ma stratégie est d’y aller tranquillement le premier tour et d’ensuite accélérer jusqu’à la ligne d’arrivée. Avec ça en tête, je continuais ma course tranquillement.
Après quelques minutes, je décide d’accélérer légèrement la cadence et de dire au revoir à mon vieil ami des 50 minutes. Je pars donc devant lui de manière à rattraper quelques concurrents. Le premier tour se passe relativement bien, et j’ai l’impression d’avoir bien donné sans pour autant être trop fatigué. Je commence à entendre un bruit au loin qui me fait penser que je me rapproche du début. Cela veut dire que le premier tour sera bientôt bouclé et que je trouverai un stand de ravitaillement avec de l’eau et des oranges pour un bon coup de jus. Ma gorge commençait à se dessécher et j’étais impatient de pouvoir m’hydrater avant de repartir. Mais alors que j’arrivai au point de ravitaillement, j’aperçus au loin une forme et une couleur familière. C’était le ballon des 45 minutes. Comment était-ce possible ? J’avais été aussi rapide que ça ? C’était la première fois que j’étais aussi près de ce temps-là et je ne voulais pas manquer l’occasion de le rattraper. Mon verre d’eau pourra attendre, je ne voulais pas perdre du temps à m’arrêter pour boire. Je continuais alors ma course avec pour but de rattraper ce ballon qui me narguait de loin. Et au bout de quelques minutes, j’étais enfin à sa hauteur et au passage du septième kilomètre, j’étais désormais devant lui. Sous la barre des 45 minutes. Je n’y croyais pas vraiment. Mais rien n’était encore gagné. Il restait trois kilomètres et ce sont les plus difficiles. Ainsi, je m’accrochais tant bien que mal pour conserver mon avance. Mais au neuvième kilomètre, le ballon me doubla. Je commençais à désespérer, en me disant que je n’aurais jamais pu faire un temps aussi bas. Mes jambes hurlaient de douleur, ma gorge réclamait de l’eau et mon mental venait de prendre un coup à la vue de ce ballon qui s’éloignait peu à peu. Mon rythme commença à diminuer. C’était trop tard maintenant, j’avais essayé mais je n’étais pas à la hauteur. Jamais je ne pourrais briser cette barrière des 45 minutes, j’étais beaucoup trop faible pour y arriver.
Au bord de l’abandon
Mon cerveau était rempli d’idées négatives alors que j’approchais de l’arrivée. Les panneaux indiquaient qu’il ne restait plus que 400 mètres et j’entendais déjà la foule qui applaudissait les coureurs. À ce moment-là, je ne saurais expliquer ce qui se passa à l’intérieur de moi. Je me suis dit que je ne devais pas baisser les bras. Même si j’avais mal, même si cela paraissait impossible, je ne devais pas abandonner. Combien d’autres occasions aurais-je d’être aussi près de ce temps ? C’était ma chance et je devais la saisir coûte que coûte. Je relevais la tête avec le ballon comme objectif et je démarrais alors mon sprint final.
Les muscles de mes jambes tiraient, mon estomac tournait dans tous les sens me donnant la nausée et ma respiration s’accélérait drastiquement, mais malgré ça je continuais d’avancer. Personne ne pouvait arrêter la rage qui était en moi. 300 mètres. Je balançais mes bras avec force afin de me pousser en avant et de gagner du terrain sur mon adversaire. Je le voyais se rapprocher peu à peu en même temps que les bruits de foule s’intensifiaient. 200 mètres. Je ne devais pas lâcher. Après tout ça, je ne devais pas lâcher. Je pensais à la fierté que j’aurai si je finissais devant ce maudit ballon et à mes regrets si jamais je ne parvenais pas à le doubler. Cela me donna encore plus de motivation et, alors que j’arrivais à 100 mètres de l’arrivée, j’étais de nouveau à sa hauteur. À cet instant précis, je me rappelle avoir souri nerveusement. J’étais heureux. Heureux de m’être montré que j’étais capable de battre ce temps. Heureux de voir que je n’avais pas baissé les bras. Avec le peu de force qu’il me restait, je continuais mon sprint vers la ligne d’arrivée pour la franchir en 44 minutes et 50 secondes. Mes jambes tremblaient et je manquais de peu de tomber à terre. J’avais beau avoir mal à la moitié des muscles de mon corps, j’étais euphorique de savoir que j’avais pulvérisé mon précédent record.
Aujourd’hui encore, ce temps reste mon meilleur exploit sur un 10 kilomètres et j’en suis d’autant plus fier en sachant que j’ai tout donné pour y arriver. Alors la prochaine fois que vous songez àabandonner, ou que vous pensez que vous n’êtes pas capable d’atteindre un but, réfléchissez-y à deux fois. Vous serez étonné de voir ce que vous pouvez accomplir.