Chocolatine (2/3)

Posted by Antoine Delia on Tuesday, July 11, 2017

Il nous arrive parfois dans la vie de ne pas savoir ce que nous faisons. Nous ne contrôlons plus rien et nous prenons parfois les décisions les plus farfelues sans même penser aux conséquences. Parfois, notre conscience nous ramène à la raison et nous évite de nous retrouver dans des situations impossibles. La conscience de Ralph n’était pas présente à ce moment-là.

“Ne vous inquiétez pas, j’ai négocié avec la propriétaire pour pouvoir reprendre son commerce. Le temps de tout préparer, je serai ouvert pour la semaine prochaine”.

À peine eût-il fini sa phrase qu’il se rendit compte de l’ignominie que sa bouche venait de dire. Tenir une boulangerie ? Lui ? Il ne savait même pas comment faire du pain. Il ne savait d’ailleurs même pas si l’établissement était à vendre !

“Vraiment ?” dit-elle, esquissant un large sourire. Non, criait Ralph. Mais il n’arrivait plus à parler. “Alors nous allons nous revoir, je viens ici tous les matins pour le petit-déjeuner. Attention, j’espère que ce sera bon ! Oh mince, je vais être en retard ! Désolée, mais je dois filer. On se voit la semaine prochaine !” Elle avait l’air aussi ravi que Ralph était dépité. En la voyant s’éloigner, il ne put s’empêcher de repenser à ce qu’il venait de dire. Jamais il n’arriverait à faire vivre ce commerce. Qu’allait-il faire maintenant ? Pourquoi pas lui dire que c’était une blague ? Ou bien déménager à nouveau, dans un autre pays cette fois ? “Mais enfin qu’est-ce que je raconte” pensa Ralph à haute voix. Il avait trouvé ce qu’il allait faire. Rien. Après tout, il se fichait bien de ce qu’il avait dit. Cette fille n’aura qu’à aller dans une autre boulangerie pour commander une chocolatine, à exactement huit heures du matin, du lundi au vendredi. Et il ne la verrait plus…

“Oh, excusez-moi, j’ai oublié de me présenter”. Ralph releva les yeux et s’aperçut qu’elle était revenue vers lui. “Je m’appelle Émilie”. En prononçant ces mots, elle arborait le plus beau sourire de tout le quartier. Peut-être même de toute la ville. “Ralph. Enchanté”. Elle sourit de nouveau. “Eh bien, Ralph, il me tarde de venir dans ta boulangerie. À plus tard !” Et elle le laissa là.

Il savait bien qu’elle ne pourrait jamais goûter à ses produits, puisqu’il n’avait pas racheté la boulangerie. Et même si tel était le cas, il ne connaissait rien du métier de boulanger. Ce serait du suicide que de se lancer là-dedans. Autant abandonner.



“Non. Ce n’est pas comme ça que je dois voir les choses”. Ralph médita plusieurs instants sur le trottoir faisant face à son arrêt de bus. “Après tout, pourquoi pas essayer ?” se dit Ralph. “Moi qui voulais du changement, avec ça je ne serai pas déçu”. Au fond de lui, il savait qu’il s’embarquait dans quelque chose qu’il ne pouvait pas contrôler. Mais il était comme ça. Il prit note du numéro de téléphone inscrit sur la devanture et appela aussitôt. La patronne s’étonna de l’engouement de Ralph pour sa boulangerie et lui proposa même des cours pour qu’il puisse apprendre le métier. Il appela aussi la banque pour leur signaler sa démission. C’était une nouvelle page qui se tournait pour lui. Il y avait beaucoup de chances pour que cela soit un échec lamentable, qu’il perde tout son argent et qu’il se retrouve à la rue, sans travail. Mais dans sa tête, cela ne lui importait plus. Car il savait que même si cela devait arriver, il pourrait la revoir au moins une fois de plus. Émilie. Chocolatine.

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